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Le secteur de la pêche a traversé de nombreuses crises (biologiques, économiques, sociales, politiques) au cours de son histoire : celle de la sardine en Bretagne à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, de l’anchois au Pérou dans les années 1970, de la morue à Terre-Neuve aboutissant à un moratoire au début des années 1990, etc. Elles ont généralement pour origine la diminution drastique de la ressource sous les effets combinés de la surpêche et des variations climatiques, et se propagent au sein des filières pour bien souvent évoluer en crise sociale, politique et potentiellement alimentaire. Ces crises peuvent aussi trouver leurs sources dans des décisions politiques telles que les modifications de zones de pêche, comme en témoignent par exemple les épisodes de “guerre de la morue” opposant l’Islande au Royaume-Uni entre 1959 et 1976. Sur le modèle d’autres secteurs économiques, et afin de répondre à une demande alimentaire toujours plus forte, la fin du XXe siècle marque la mondialisation du “système pêche”. Il s’en suit une généralisation de la surpêche d’une majorité des stocks mondiaux. Les changements globaux, en particulier le dérèglement climatique ne font que complexifier cet état de crise et le généraliser à l’échelle des écosystèmes marins. A l’origine plutôt spécifiques, les crises sont désormais systémiques, affectant l’ensemble du secteur de la pêche.
Pour autant, les stocks, les pêcheries et les filières ont su se reconstruire ou s’adapter dans bien des cas suite aux crises. Étymologiquement, “crise”, du grec krisis, renvoie notamment à la nécessité de discerner et de faire des choix, notamment dans des situations de remises en cause. Quels choix socio-économiques et de gouvernance ont été suivis pour sortir de ces crises ? Quels processus biologiques sont affectés, selon quels mécanismes, et à quelles échelles -moléculaire, individuelle, celle des populations ou des communautés- lors de changements profonds au sein des écosystèmes marins ? A quel point ceux-ci sont-ils résilients, et les sociétés halieutiques capables d'adaptation pour se construire durablement ? La solution n’est-elle pas d’anticiper pour prévenir ces états de crise, ou ces crises sont-elles inévitables car sous la dépendance des aléas naturels ou de systèmes économiques immuables ? Comment intégrer ces dépendances, ces fragilités dans les politiques de gestion et dans la construction des modes de gouvernance ? Les approches concertées et participatives n’assurent-elles pas une meilleure réactivité, suite à une compréhension partagée des enjeux et de l’intérêt commun de la part de l’ensemble des acteurs ?